Quelle différence faire entre l'accompagnement du changement et la co-construction du changement ?
Si l’on s’en tient à la sémantique, le mot "accompagnement" signifierait que l’on est en assistance, en aide, en guide pour les personnes à accomplir le changement. Toujours en s’intéressant à la valeur sémantique, le néologisme "co-construction" nous indiquerait que le changement va être analysé, conçu, élaboré puis construit, bien sûr, en collaboration entre les parties concernées par ce changement.
Le problème est qu’il peut y avoir une confusion des sens attendus dans l’usage des deux propositions. Ceux qui promeuvent l'accompagnement du changement ne le perçoivent pas forcément tous de la même manière. L’approche de celui-ci va d’un changement que l’on voudra le plus contrôlé possible à un changement qui tiendrait totalement compte des avis et souhaits des personnes concernées par le changement lui-même.
Il peut y avoir également un flou plus ou moins artistique entretenu par les initiateurs du changement quant à la volonté d’inclure les personnes concernées. Celles-ci sont consultées, on organise des réunions d’information, des ateliers de partage, des conférences explicatives, des moments d’appropriation, etc. Mais ce que l’on souhaite surtout, c’est que le projet de changement soit accepté sans vague et avec le moins possible de modifications apportées aux plans initiaux.
À contrario, des personnels qui apprennent que l'on va les accompagner dans un changement peuvent légitimement vouloir être acteurs des modalités de ce changement pour en définir les contours et considérer que la notion d'accompagnement sous-entend pour la possibilité d'avoir de l'influence sur ce qui est en train d'être changé.
Les difficultés viennent assez rapidement quand les acteurs concernés par le changement se sentent instrumentalisés par des discours ne reflétant pas les intentions réelles des porteurs du changement. Personne ne se sentira acteur du changement si la proposition n’est que de choisir la couleur de la moquette et la place de la plante verte dans l’espace d’accueil dans un projet de déménagement de site. Il est évident, par exemple, que les impacts d’un passage de locaux avec des bureaux individuels à des locaux en flex-office avec des espaces communs et ouverts peuvent être radicalement structurants pour le travail des collaborateurs. Voire… déstructurants. La confusion sémantique entre accompagnement et co-construction peut être très mal vécue par les personnes concernées et laisser de côté des impacts essentiels non pris en compte du changement alors imposé.
Autre exemple, l’installation d’un logiciel tout beau tout neuf en remplacement de ce que les personnes utilisaient au quotidien depuis une dizaine d’années. La non-prise en compte des habitudes d’usage du logiciel initial (bonnes et mauvaises) aura des conséquences fâcheuses tant sur l’appropriation du nouveau logiciel que sur l’efficacité réelle une fois celui-ci installé. Ne consulter les utilisateurs que pour leur demander leur avis sur la couleur de l’interface est évidemment bien peu probant. Ce sont les fonctionnalités qui importent autant sinon plus que l’interface utilisateur. Normalement, les méthodes agiles de développement sont censées éviter ces écueils. Mais consulte-t-on réellement les personnes concernées ou se contente-t-on simplement de les accompagner vers ce que l'on a déjà décidé ?
Prenons encore le cas d’une réorganisation de département avec, par exemple, la fusion de deux services. La moitié des collaborateurs d’un des deux services est transféré dans un autre département et le deuxième service est réduit d’un tiers des siens pour augmenter la rentabilité. Qui seraient les personnes les plus à même de bien établir la répartition des tâches et responsabilités de ce nouveau service ? La direction seule ou la direction et les collaborateurs concernés ?
Il est clair qu’une co-construction implique une sorte de lâcher-prise sur le résultat définitif du changement. C’est probablement la peur de la perte de contrôle qui empêche les directions, et le management en général, de recourir à une co-construction et leur fait préférer la définition complète du résultat du changement en amont. La peur de la perte de contrôle ET la croyance qu'une organisation collaborative du travail est impossible. Toute croyance étant en général fortement ancrée, il n'est pas aisé de la dépasser.
Il peut pourtant y avoir un moyen terme qui tienne compte des deux polarités évoquées. D’une part, la définition d’objectifs déterminés généraux pour ce qui est du résultat du changement : un déménagement effectif, le déploiement d’un nouveau logiciel, la fusion de deux services avec réduction des effectifs… D’autre part, la consultation et l’implication réelle des personnes concernées pour la définition des modalités du changement et des façons de le décliner dans le quotidien du travail.
Faire appel à des méthodes puissantes de management collaboratif et d’intelligence collective comme les Liberating Structures peut certainement permettre de réaliser avec succès cette co-construction d’un changement et son déploiement dans la durée.
Et vous, comment avez-vous vécu les changements au sein de votre organisation ? Étaient-ils « accompagnés prédéfinis » ou « accompagnés co-construits » ?