La Prochaine Action est un concept fondamental dans GTD et la plupart des gens ont souvent l'impression d'être familiers de la chose. Après tout, "casser les grosses pierres en petits cailloux" est une phrase qu'on entend depuis pas mal de temps, qui tend à dire la même chose. On pourrait penser que cette familiarité de concept est une aide pour comprendre GTD, et ça l'est dans une certaine mesure, mais c'est aussi un frein dans la mise en pratique. Or, GTD est avant tout une pratique.
Le fait de scinder une grosse tâche en tâches plus petites a du sens pour tout le monde. On se doute bien que "Organiser les jeux Olympiques" recouvre en soi une myriade d'actions, et qu'il faudra bien toutes les faire pour atteindre notre résultat, donc autant les identifier à l'avance. Ainsi, lorsque je mentionne le concept de prochaine action comme étant la "prochaine action simple, concrète, physique et visible, qui fait avancer la situation ou le projet" (définition officielle svp!), j'ai la plupart du temps face à moi des acquiescements conquis. Le problème se pose lorsque je regarde par la suite les listes de prochaines actions de mes stagiaires.
En apparence, ce sont bien là des actions, et on peut supposer que ce sont bien les prochaines à mener. Il n'y a rien d'autre à faire avant : la personne a le téléphone de Stéphane, les emails sont bien dans l'inbox, le dossier impôts est accessible en moins d'une minute. Pour autant, ces listes ne sont pas tellement plus efficaces que celles qu'on fait lors de la phase de Capture pour une raison très simple : elles manquent de précision.
Pourquoi vouloir appeler Stéphane ? Qu'est-ce que ça veut dire exactement, "faire mes emails" ? Pourquoi relire le dossier impôts ?
Quand on trouve la prochaine action, sur le moment, on peut répondre sans problème à ces questions car tout le contexte est encore bien présent à l'esprit. Le problème survient lorsqu'on regarde cette liste 5 jours après avoir identifié ces actions : noyées au milieu de toutes les autres, on ne sait plus trop exactement ce qu'on voulait faire. Certes, on peut retrouver le contexte rapidement, mais c'est un effort cognitif que notre cerveau tentera par tous les moyens d'éviter de faire. Et donc, on regarde ces actions, on soupire, et on passe à autre chose ("pourvu qu'il y ait un imprévu, que je n'ai pas à me poser la question de savoir quoi faire"...).
Souvenez-vous, GTD est la méthode des vrais fainéants, ceux qui veulent le meilleur impact pour le moins d'effort (comme notre cerveau). Quand on en vient à définir nos prochaines actions, l'effort qui apporte le plus gros impact va être de qualifier davantage l'action au moment où on la pose sur nos listes, pour n'avoir aucun effort mental à (re)faire quand on la consultera. Autrement dit, n'hésitez pas à détailler vos actions !
Franchement, qui trouve ça plus confus que la liste précédente ?
Ce qui se passe lorsque l'on remplit nos listes de prochaines actions, en vrai, dans GTD, c'est que l'on se délègue à soi-même des actions à réaliser dans le futur. Il est donc tout à fait possible de détailler au maximum ces actions comme s'il s'agissait d'une délégation à quelqu'un d'autre (la personne que vous serez à ce moment-là). Une liste de prochaines actions bien conçue doit pouvoir être comprise par n'importe qui (et faite par toute personne qui a les mêmes compétences métier que vous), sans besoin d'explication plus avant sur le contexte. Même si je ne connais rien au projet XY, je peux appeler ce Stéphane pour lui dire qu'il peut démarrer et m'envoyer son rétroplanning. Je peux aussi écrire un email à Mark, que je ne connais pas du tout, pour lui dire qu'il est impossible de négocier sans garantie sur le projet ZA. Je peux consulter le dossier impôts de n'importe qui pour lister les déductions possibles (pour peu que les déductions soient bien rangées dedans...). Impossible de faire cela avec le premier type de liste.
Faites-en votre critère. Pour prendre cette habitude au début, détaillez vos prochaines actions puis aller voir quelqu'un et demandez-lui simplement : "est-ce que tu comprends ce qu'il faut faire ?". La réponse devrait être positive (attention, on ne lui demande pas "es-tu capable de le faire"). Souvent, la personne devrait même pouvoir vous regarder avec des yeux ronds en se disant "ça va, je sais lire".
Plus vos listes seront précises, moins votre cerveau devra fournir d'effort pour comprendre ce qu'il doit faire ou s'en rappeler, et plus vous aurez de chance d'effectivement faire ce qui se trouve sur vos listes quand ce sera le bon moment. Évidemment, quand je donne ces exemples les participants me regardent avec des yeux écarquillés et j'entends leurs cerveaux murmurer "mais ce mec est malade, si je commence comme ça je n'aurai jamais fini". Je concède bien volontiers que ça prend un peu plus de temps sur le moment, et que ça paraît parfois un overkill. Pourtant, je peux vous assurer que si vous ne le faîtes pas, ce sont vos listes que vous n'aurez jamais fini. Franchement, qui a envie de se mettre à "faire ses emails" plutôt que juste répondre à Mark qu'il n'est pas d'accord pour négocier sans garantie sur le projet ZA ? Plus vous serez précis, moins vous vous poserez de questions, plus vous verrez exactement ce qu'il faut faire et plus ce sera facile pour vous de prioriser les choses les unes par rapport aux autres. Pour ceux qui travaillent en Holacracy, c'est même le meilleur moyen de passer d'un Rôle ou d'un projet à l'autre, mais ce sera l'occasion d'un prochain billet.
Super article sur ce que je trouve être probablement la partie la plus complexe de GTD. Combien de fois me suis je retrouvé scotché avec une longue liste de prochaine action concernant des sujets divers et être totalement incapable d'agir faute de précision ?. Il en résulte, chez moi, un sentiment de frustration, d'inefficacité de la méthode, voir de découragement et même parfois de décrochage, alors qu'un simple réajustement des prochaines action est juste nécessaire...
David Allen explique peu ce concept ou peut être ne l'explique t'il pas assez...
C'est particulièrement vrai lors de la weekly review qu'on a tellement envie de finir au plus vite (la mienne dure au moins 2 h 00... au minimum chaque vendredi matin - je la fais le matin car c'est ma priorité la plus cruciale de la semaine ...).
A la lecture de ton article, cela me donne une idée. je vais essayer de faire ma weekly review en deux temps. La première pour débroussailler le sujet, la deuxième pour réajuster la prochaine action telle que tu l'as si bien expliquée, appliquée à chaque projet à traiter dans la semaine.
THINGS3 que j'utilise désormais, à la place d'OMNIFOCUS, compte tenu de ses progrès colossaux me facilite grandement la vie.
Merci François ! C'est en effet un point qui n'est pas assez souligné dans la méthode à mon avis (sans doute pour ne pas "effrayer le chaland" au départ). Pourtant, quelle différence quand on commence à faire ça !
J'ai entendu le plus grand bien de la nouvelle version de Things, ça fait un bon écho de plus.
Excellent article, merci ! J'en étais resté à la prochaine action "concrète et physique". Qu'apporte "visible" à cela ?
Bonjour Nicolas, merci de la remarque subtile !:-) "Visible" a été ajouté pour les personnes qui écrivent "réfléchir" en tête de leurs actions et pour qui réfléchir est concret et physique. Une action doit se comprendre rien qu'en regardant la personne faire l'action (on doit pouvoir la filmer et la passer à quelqu'un sans le son, cette personne doit comprendre ce qui se passe). Autrement dit, "réfléchir" n'est pas une action, mais "faire une carte mentale" oui.
Tout le monde ne réfléchit par de la même manière. Je crois que c'est David Allen lui-même qui a écrit que cela pouvait être une prochaine action que de réfléchir.
Par ailleurs je crois me souvenir que la recherche d'une PA doit passer d'abord par la recherche du but derrière le Truc qu'on a pioché dans sa boîte de réception. Donc derrière "réfléchir" il devrait y avoir un but précis qu'on devrait pouvoir transformer en action visible, non ?
J'ai pris "faire une carte mentale" mais on peut prendre n'importe quoi d'autre bien entendu qui permet la réflexion, à chacun de voir (organiser une réunion, faire une liste, me bloquer 1h au Starbucks...). La prochaine action peut en effet être de réfléchir, mais ce qui nous intéresse en termes de PA c'est la forme visible que prend cette réflexion, car c'est ce qui nous servira de déclencheur pour démarrer l'action. Une PA qui commence par "réfléchir" a, d'expérience, toutes les chances d'être repoussée un (trop) grand nombre de fois (c'est pourquoi David ne recommande pas de mettre "to think" comme action... ou alors rappelle-moi la page 🙂 ). On rejoint bien le but de ce qu'on cherche à faire, en effet : pourquoi je cherche à réfléchir ? qu'est-ce que doit m'apporter le résultat de ma réflexion ? Si je prends un avocat, il y a une différence entre "réfléchir au dossier machin" et "rédiger les conclusions du dossier machin" ; pourtant, la rédaction de conclusions demande réflexion.
Ok merci 🙂
Très clair, merci