En relisant certaines études récemment, je suis retombé sur le concept de stigmergie. Là comme ça, pour la plupart d'entre nous, ça n'évoque pas grand chose. Pourtant, quand on arrive à gérer ses tâches suivant ce principe, on atteint un grand état de zenitude. Je vous montre ?
Comme je ne veux pas solliciter inutilement votre attention trop longtemps, voici ce que dit Wikipédia de la stigmergie : "La stigmergie est une méthode de communication indirecte dans un environnement émergent auto-organisé, où les individus communiquent entre eux en modifiant leur environnement [...] Le terme fut introduit par le biologiste français Pierre-Paul Grassé en 1959, en référence au comportement des termites. Il le définit comme : Stimulation des travailleurs par l'œuvre qu'ils réalisent". C'est en relisant l'étude scientifique de Francis Heylighen et Clément Vidal que je suis retombé nez à nez avec ce concept qui, jusqu'ici, ne m'avait pas aussi nettement parlé. Voici ce qu'ils en disent :
[quote]Une activité est stigmergique si l'action d'un agent laisse une marque (sitgma, en Grec ancien) dans l'environnement qui stimule à son tour un agent (lui-même ou un autre) à faire en conséquence un travail (ergôn, Grec ancien). Cette action suivante laissera à son tour une autre marque, qui à nouveau stimulera une autre action. Ainsi, différentes actions se déclenchent les unes les autres, via les traces qu'elles laissent dans l'environnement.[/quote]
Le processus, utilisé par les termites et les fourmis, nous ferait une belle jambe (notez qu'elles en ont six) si on en restait là. Mais si l'on rapproche ce concept de la productivité personnelle, on s'aperçoit que c'est très en accord avec les meilleures pratiques. Tout projet, quel qu'il soit (les Jeux Olympiques, Aller sur la Lune, etc), n'est jamais qu'une suite d'actions très simples (appeler machin, lister les sponsors, récolter les indicateurs bidules...) qui s'enchaînent les unes les autres ; certaines se réalisent parfois en série ou en parallèle, mais on retrouve l'idée du chemin critique que les chefs de projet connaissent bien : la liste des actions à faire pour obtenir le résultat souhaité (et le temps minimum pour ce faire). Ces meilleures pratiques nous invitent notamment à, autant que possible :
Ainsi lorsqu'on revoit l'action ensuite, on est immédiatement stimulé à agir.
Suffisamment définir l'action à l'avance, ce n'est pas la faire ; c'est définir et préparer tout ce dont on aura besoin pour la faire quand le moment sera venu. Pourquoi est-ce bien ? Parce qu'ainsi, confiants que nous sommes dans le fait que nous avons déjà pensé cette action, nous pouvons l'agir immédiatement. Et aussi parce que le flou engendre la procrastination, et qu'un des moyens de lutter contre ceci est, précisément, d'être précis (sic). Autrement dit, à l'idéal, nos actions s'enchaînent de façon "stigmergique" : les actions placées sur les listes de contextes sont suffisamment précises et définies pour pouvoir être effectuées (non pas) sans réfléchir (mais sans devoir la redéfinir de nouveau), et s'enchaîner les unes les autres.
Imaginez un instant : pour chacun de vos projets, vous avez défini l'action suivante à effectuer, et éventuellement quelques unes qui s'enchaînent ensuite, en faisant en sorte de fournir à chaque fois que c'est nécessaire les documents supports pour cette action. Vous commencez le projet en suivant la première action. Vous passez à autre chose. Trois jours plus tard vous passez à la deuxième action, comme si c'était quelqu'un d'autre qui vous avait mâché le travail à l'avance, en suivant simplement les instructions issues de la première. Et ainsi de suite. Pour pratiquer la chose depuis des années, je peux témoigner que le niveau de stress est très, très bas. Et celui de productivité, plutôt élevé.
Sans travailler comme des fourmis, il est possible de leur emprunter cette bonne pratique, qu'en pensez-vous ?
[learn_more caption="Sources et références" state="open"] Francis Heylighen & Clément Vidal, Getting Things Done: The Science behind Stress-Free Productivity, Université Libre de Bruxelles, 2007 [/learn_more]
Dans le contexte de GTD, la stigmergie, on la retrouve aussi dans le fait d'avoir des listes d'action par Contexte (donc, relatives à l'environnement). Par ailleurs, et c'est également mentionné par David Allen, l'environnement lui-même peut être le rappel de l'action à faire.
Rangez vos clés à côté de la porte, ça aide à ne pas les oublier en sortant. Si vous ne voulez pas oublier quelque chose à faire dans la cuisine, notez-le sur un post-it posé sur la porte de la cuisine, etc.
A noter que la stigmergie ne fonctione bien qu'avec soi-même, sauf à être une fourmi. Laissez trainer ces chaussettes sales pour que le *conjoint* les mette dans le bac à linge est certes de la stigmergie, mais l'effet ne sera probablement pas celui escompté 😉
J'aime beaucoup l'exemple 🙂
Note que c'est aussi à l'œuvre dans un travail d'équipe : quand plusieurs membres d'une même équipe ou société ont adopté par exemple la banette-inbox, un membre peut passer déposer quelque chose dans la banette d'un autre, quand cet autre traitera son inbox il en fera quelque chose.
oui, c'est aussi une forme de stigmergie, mais "light" à mon sens.
De la stigmergie efficace, c'est par exemple de mettre l'aide à remplir un modèle de document, DANS le document lui-même.
C'est les sites webs qui te prennent par la main pour t'expliquer ce qu'il faut saisir, dans quel ordre, et quand tu passes la souris sur un élément, une bulle d'aide contextuelle t'explique ce qu'il faut faire. etc. 🙂
Serendipité : hop, trouvé à l'instant : http://www.journaldunet.com/management/expert/56643/la-stigmergie-pour-entrer-dans-l-ere-de-la-contribution.shtml
Excellent ! Comme quoi, quand "c'est dans l'air", ça se propage tout seul. Je suis également tombé sur un autre article quelques jours après avoir écrit le mien.
L'article du JdN (et celui de Lilian Ricaud, derrière) est sympa, mais de là à vouloir faire de la stigmergie un processus de gouvernance en soi, je trouve qu'il y a un pas. C'est un peu le biais de la nouveauté, on essaie souvent de tout chambouler d'un coup. L'auteur doute aussi, mais il se pose la question et déjà, je trouve que c'est aller loin ; par contre, se poser la question de savoir ce qu'on peut en tirer pour intégrer/améliorer/optimiser un modèle plus global me paraît une très bonne démarche.